Français, Algériens, Espagnols, mineurs à Baburet (1939)
Mineurs de Ferrières, d’Arbéost, d’Arthez d’Asson, mineurs espagnols et algériens et quelques autres…
La liste nominative des employés de la mine de Baburet au 31 décembre 1939 a été contresignée par le maire de Louvie-Soubiron : la mine et ses installations, les ateliers et les cantines sont sur le territoire de Louvie-Soubiron… à 5 heures de marche du village, par le col de Louvie ou 43 km par les routes empierrées de l’époque.
En avril 1937, après bien des déboires, la Société des Mines de Baburet a repris l’exploitation de la mine. C’est en 1938 et 1939 que la production atteignit son maximum, presque 40 000 tonnes de minerai extrait, chaque année.
Cette activité demandait une main d’œuvre nombreuse, tant à l’intérieur de la mine qu’à l’extérieur, pour la mine elle-même, pour le train de Baburet qui transportait le minerai jusqu’à Coarraze, pour les ateliers, les services…
La liste ci-dessous comprend 161 ouvriers et employés, ce qui correspond, à peu de choses près, à l’effectif donné par le directeur dans le cahier d’avancement en décembre 1939.
Voir : Liste des employés de la mine de Baburet (1939)
La gestion de la Société s’avérait pourtant de plus en plus désastreuse. De nombreux impayés entraînaient des procédures judiciaires. Les investisseurs et les actionnaires semblaient plus préoccupés de leurs dividendes que de gérer sainement l’affaire. Le Directeur se trouvait donc confronté à de nombreux problèmes de trésorerie. Il note à plusieurs reprises que l’exploitation est « difficile et coûteuse ». Il « observe » dès avril 1939 que « l’alimentation précaire de la caisse de la mine a causé des perturbations anormales dans l’exploitation ». Au fil des mois de 1939, la même « observation » revient systématiquement [1] .
La moitié de l’effectif des employés permanents (56 ouvriers) fut mobilisée en septembre 1939 et, nous dit le directeur, remplacée partiellement par « un personnel peu au courant du travail ». Le 27 novembre 1939, tous les postes de travail « ont été rétablis par suite de l’arrivée de 32 ouvriers espagnols provenant du camp de Gurs ».
Ces ouvriers espagnols, que l’on peut repérer aisément dans la liste, sont donc des républicains espagnols. Le camp de Gurs [2], près d’Oloron, avait été ouvert en avril 1939 pour interner les combattants de l’armée républicaine espagnole et les volontaires des Brigades Internationales repliés en France après leur défaite face aux troupes factieuses du général Franco.
En décembre l’effectif de 167 personnes comprenait donc une cinquantaine d’Espagnols logés pour la plupart dans les « cantines » établies, en face de Ferrières, sur le territoire de Louvie-Soubiron.
On repère encore plus facilement les noms des 27 Algériens qui travaillent à Baburet en décembre 1939 – et qui sont également logés dans les « cantines ». À partir de 1937, en effet, les personnels manquants pendant les mois d’été « sont remplacés par des Algériens, baptisés à tort Kabyles, puisqu’ils proviennent tous de Charon, sur le Chélif, à l’ouest d’Orléansville, ou de Ténés. Ils franchissent la Méditerranée deux fois par an et constituent un personnel solide et fidèle à la mine. Les parents se remplacent entre eux, et la direction voit toujours les mêmes noms de famille sur ses registres. Leur nombre varie selon les besoins de l’embauche (50 au maximum avant 1945, 22 en juin 1955). Ces ouvriers saisonniers logent dans un baraquement proche de la mine [3] ».
Après la déclaration de guerre et la mobilisation, 17 Algériens restèrent à Baburet. Quelques-uns y étaient encore en 1944.
L’un d’eux, Mohamed Aichouche, s’installa finalement à Ferrières après la fermeture de la mine en 1962 [4].
– Voir : La mine de Baburet pendant la guerre et sous l’occupation allemande (1939-1946)
Source et commentaires
– Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques, 8 S 14, Liste nominative du personnel, 31 décembre 1939. Mairie de Louvie-Soubiron, 19 février 1940.
– La liste a été reproduite en fac similé (saisie Émile Pujolle). On remarquera l’absence presque systématique des accents et de nombreuses erreurs dans la graphie des patronymes : lettres oubliées, mauvaises transcriptions…
– On notera aussi un employé nommé S.N.P Kélifa. Ce S.N.P. signifie-t’il sans nom patronymique ?
Appel à contribution
– Quelqu’un peut-il préciser les fonctions des personnes figurant sur la liste ?
– Jean-Marie Rabat est-il bien le « chef-mineur », depuis 1937 ?
– Pour écrire à l’auteur, il suffit de « cliquer » sur son nom, en rouge, sous le titre de l’article.
Notes
[1] Émile PUJOLLE. « La mine de fer de Baburet, de la fermeture des forges à la fin de l’exploitation minière (1866-1962) », Revue d’histoire industrielle des Pyrénées Occidentales, n° 1, 2006 , Editions Izpegi, pp. 57-92.
[2] Camp de Gurs. De nombreuses articles sont accessibles sur la Toile, par exemple l’article Camp de Gurs dans l’encyclopédie en ligne Wikipedia, ou dans le site « Camp de Gurs ». Consulter aussi l’ouvrage d’Hanna Shramm, Vivre à Gurs, un camp de concentration français (1940-1941).
[3] J. CAPUT. « La situation actuelle de la mine de Baburet ». Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, tome XXVII. 1956.
[4] Rapporté par Édouard Lacoue et de nombreux habitants de la vallée qui en gardent un très bon souvenir et multiplient les anecdotes à son sujet
16 décembre 2012 par Émile Pujolle