La Boulinière. Deux excursions en vallée de l’Ouzom (1825)
De Lestelle à Ferrières et du Val d’Azun aux Eaux-Bonnes
Secrétaire général de la préfecture de Tarbes sous l’Empire, La Boulinière mit ce séjour à profit pour accumuler des connaissances de tout ordre sur les Hautes-Pyrénées, en fait sur la partie des Pyrénées comprise entre la vallée d’Ossau et Bagnères-de-Luchon. Connaissances historiques, artistiques, ethnologiques, économiques… mais aussi connaissance du terrain.
Deux extraits de l’Itinéraire descriptif et historique des Hautes-Pyrénéese qu’il publia en 1825 nous entraînent dans la Vallée de l’Ouzom : l’un de Lestelle à Ferrières et à la mine de Baburet. L’autre, plus étonnant, est le récit d’une excursion hors des sentiers battus, du Val d’Azun aux Eaux-Bonnes, où La Boulinière se révèle « pyrénéiste ».
L’Itinéraire descriptif et historique des Hautes-Pyrénées
L’Itinéraire descriptif et historique des Hautes-Pyrénées de Pierre-Toussaint de La Boulinière est considéré comme le premier « guide » digne de ce nom des Pyrénées.
Ouvrage ambitieux dont le titre complet décrit les limites géographiques de l’étude : Les Hautes-Pyrénées françoises, jadis territoire du Béarn, du Bigorre, des Quatre-Vallées, du Comminges et de la Haute-Garonne.
Le sous-titre est un vaste programme : Itinéraire … contenant, outre la description des lieux, l’histoire de ces diverses contrées et de leurs antiquités, un précis sur la population, l’agriculture, l’industrie, le commerce, un aperçu sur les mœurs, les coutumes, les sciences, les beaux-arts, la littérature et le langage.
« Ce que l’on met dans un pareil guide ? »
Une bibliographie (La Boulinière constate que dans les derniers temps les écrits se sont multipliés), une préface, une introduction, une formidable introduction historique (cent trente pages ! paraissez, Romains, Barbares, Vascons, Sarrasins, Cagots, Charlemagne, etc !), la description des villes, des vallées, des établissements thermaux, la comparaison des Pyrénées aux Alpes, la météorologie, les bêtes à cornes, les bêtes à laine, même le laitage, le beurre et le fromage, la chasse à l’ours, la chasse au loup, la chasse à l’izard, la chasse aux palombes, le précis historique de la vicomté de Béarn avec la généalogie des princes (cent pages), l’historique du comté de Bigorre, l’historique des quatre vallées, l’historique du comté de Comminges, les inscriptions romaines, les crétins et les goitreux, le haras de Pau, les poésies de Despourrins [1] , les manufactures, le roulage, les foires et marchés, les mœurs, les pèlerinages de Bétharram et de Héas…
Cette profusion et cette variété de détails, d’ailleurs, ont toujours plu au grand public, qui n’est point tant que cela émoustillé par les pics ! Et depuis Ramond [2], encore une fois, le répertoire des pics s’était peu étendu ».
Cette présentation à moitié ironique est celle d’Henri Beraldi [3] qui raille un peu l’ambition de La Boulinière : le résultat est un ouvrage de 1200 pages en trois tomes. L’Itinéraire…, en tout cas, est l’un des premiers écrits à conduire les touristes vers la haute chaîne.
La gorge d’Asson
Le chapitre VII (tome 1) a pour titre De Pau à Lestelle par Coarraze ; gorge d’Asson ; économie pastorale des Hautes-Pyrénées. Il est tout à fait exemplaire de la « manière » de La Boulinière : un récit enlevé, émaillé de réflexions « savoureuses », mais qui ne devaient guère être appréciées des populations observées. Ainsi le séjour à Nay :
La Boulinière, tome 1, chap VII, extrait. De Pau à Lestelle par Coarraze ; gorge d’Asson
« Le séjour, délicieux aux yeux du voyageur, a pourtant ses inconvéniens ; car la population y est affligée de dispositions goitreuses, qui, chez quelques sujets, surtout chez les femmes, se développent d’une manière effrayante. Ces dispositions se remarquent dans tout le voisinage, et notamment à Narcastet. Nous traiterons ailleurs de cette triste infirmité humaine, après en avoir vu des traces trop multipliées et des exemples trop frappans dans toute la chaîne des Hautes-Pyrénées, mais surtout dans les vallées d’Aran et de Luchon, son principal foyer ». (Tome 1, p.237).
Suit une longue digression sur l’enfance d’Henri IV à Coarraze [4].
Pages 240 et 241, on trouve la description de l’itinéraire de Lestelle à Ferrières, à travers les gorges d’Asson : la mine de Baburet, les forges et les pasteurs d’Arbéost . Prétexte à une très longue étude – 35 pages – sur les bêtes à laine, les bêtes à corne, les laitages, le beurre et les fromages [5], étude reprenant les éléments déjà collectés par La Boulinière pour son Annuaire statistique du département des Hautes-Pyrénées , publié en 1807.
D’Arrens aux Eaux-Bonnes
Dans le tome 2, chapitre IV, La Boulinière explore le val d’Azun. Quelques remarques sur un gouffre effrayant au bord du chemin difficile en toute saison qui conduit aux Ferrières (p. 55) et sur les forges de Monsieur le Marquis d’Angosse, (Charles d’Angosse). Description du Val d’Azun agrémentée de remarques piquantes ou érudites.
La Boulinière, tome 2, chap. IV. Val d’Azun
Puis (p. 58-60), un « itinéraire » dont La Boulinière ne nous cache pas la difficulté et les dangers, celui qui conduit d’Arrens aux Eaux-Bonnes. Souci de relier, par un itinéraire original , deux « villes d’eaux » fréquentées par les touristes et les curistes, Argelès et Eaux-Bonnes ? Le chemin suivi côtoie les dangereux marais de Cabouzou (Cap d’Ouzom, les sources de l’Ouzom au pied du cirque du Litor). Puis il faut choisir entre le Col de Tortes et le Col d’Arbaze, avant de gagner Eaux-Bonnes et ses superbes ombrages.
– On pourra « suivre » cette excursion sur la carte de Cassini, sur le site du Géoportail en cliquant sur ce lien qui ouvre directement Géoportail et donne accès à toutes ses couches :
⇒ Itinéraire d’Arrens à Laruns.
Voir aussi, sur le site
– L’étude de la Boulinière : Les Pantières, la chasse à la palombe. Contenant une brève notice sur La Boulinière avec des liens de téléchargement pour les trois tomes de l’Itinéraire…
– Et l’article sur la Carte de Cassini avec une explication de l’étrange mention des Oueilles de Cabouzon
Notes
[1] Cyprien Despourrins (1698[1]59), est un poète béarnais et l’auteur de chansons célèbres du Béarn : Rosinholet que canta, Quant vòs ganhar pastoreta charmanta…
[2] Louis Ramond de Carbonnières (1755-1827), botaniste et géologue – ami de Napoléon et préfet sous l’Empire – est considéré comme « l’inventeur » du Pyrénéisme. Voir Henri Beraldi, Cent ans aux Pyrénées, tome 1.
[3] Henri Beraldi. Cent ans aux Pyrénées, 7 tomes édités de 1898 à 1904, tome 1 p. 154.
[4] Enfance d’Henri IV à Coarraze qui relève plus de la légende que de l’Histoire : Henri IV n’était alors qu’un nourrisson ; il n’y a passé que les premiers mois de sa vie.
[5] Cette partie de l’article n’est pas reproduite ici
. Voir ou télécharger : La Boulinière, Itinéraire…, tome 1.
7 novembre 2008 par Émile Pujolle