La forge de Nogarot
Cette forge remplaça celle de Louvie vers 1663, lors du passage de la technique « basque » à la technique dite « catalane ».
Située à peu de distance de la mine de Baburet, disposant d’eau en abondance et environnée de forêts, la forge de Nogarot fut au XIX° siècle la plus active des quatre forges des Angosse.
État actuel
Située au lieu-dit Nogarot, rive gauche de l’Ouzom, en bordure de la route départementale D 126, à 50 m en amont du pont de Nogarot. C’est une propriété privée.
Les bâtiments bien conservés depuis la fin de l’activité en 1866 ont été totalement remaniés par les propriétaires qui se sont succédés depuis 1962. La halle à charbon supporte maintenant une maison d’habitation et la forge elle-même est une cave d’affinage des fromage de chèvres produits dans la région.
La voûte principale, passage probable de l’évacuation de l’eau des trompes et le coursier en pierres de la roue hydraulique sont visibles. Un bâtiment en ruines, probablement une ancienne maison d’habitation, va être restauré par l’actuel propriétaire.
On retrouve le circuit hydraulique d’adduction sur 800 m et quelques vannes de décharge.
:
Le cadastre « napoléonien » des Pyrénées-Atlantiques sur SIG 64
Les parcelles cadastrales actuelles sur Géoportail (2D ou 3D)
La création de la forge de Nogarot (1663)
Vers 1660, Louis d’Incamps (1609-1689), petit-fils d’Antoine d’Incamps, entreprit de transformer la forge d’Asson en la munissant de fourneaux et trompes du pays de Foix, la transformant ainsi en forge que l’on appellera plus tard (vers 1775) forge à la catalane. C’est au même moment qu’il remplaça la forge de Louvie par une nouvelle installation, plus bas dans la vallée.
Une forge telle que celles d’Asson ou celle de Louvie était, jusque là, une mouline à fer, munie de soufflets (ou barquis) et d’un marteau actionnés par des roues hydrauliques. La méthode utilisée pour réduire le minerai en fer par la méthode directe était très certainement celle de la forge à la biscaïenne ou de la forge basque, comme l’indiquent plusieurs documents précisant les noms de forgeurs, de patronymes basques, ayant travaillé dans les forges de la vallée de l’Ouzom.
Or, depuis 1630, la méthode utilisée dans les Pyrénées évoluait : l’introduction de la trompe hydraulique, venue d’Italie et la modification du foyer de réduction avaient permis de diminuer les coûts d’entretien et d’augmenter le rendement des opérations. La trompe hydraulique est bien moins coûteuse et bien plus facile à entretenir que des soufflets avec leur roue hydraulique, leur système de cames et surtout les très coûteuses peaux de bœufs, spécialement apprêtées qui les habillaient. Le nouveau foyer – ou bas-fourneau – qui lui était adjoint se révélait plus performant que le foyer biscaïen.
Louis d’Incamps fit appel en 1662 ou 1663 à des forgeurs et des maîtres du « Pays de Foix », pour transformer ses forges. Cette date est précisée par la procédure de 1664 contre les meurtriers de l’abbé de Sauvelade. Peu auparavant, les forgeurs basques avaient été renvoyés et les spécialistes des soufflets, les barquiniers, s’étaient retrouvés au chômage. Les trois frères Bartouille, barquiniers, d’Asson étaient parmi les seize inculpés. Lors de son interrogatoire, l’épouse de l’un des barquiniers précise : « il [son mari, l’ainé des frères Bartouille] dit qu’il s’en allait en Espagne, vers les forges de Biesque ou Riesques [1], pour y travailler quelque chose, le sieur de Loubie ne lui donnant plus de l’emploi depuis qu’il se servait des trompes au lieu de soufflets » [2].
La forge de Louvie ne fut donc pas reconstruite sur place, au pied de la minière de Louvie, en amont du hameau de Ferrières d’Aucun, mais une lieue en aval, sur la rive gauche de l’Ouzom, à l’entrée des gorges. Il est possible que ce déplacement ait eu plusieurs causes :
Choix d’un emplacement, le long de l’Ouzom, ou le débit de la rivière était plus abondant et plus constant tout au long de l’année : entre la forge de Louvie et le nouvel emplacement, l’Ouzom reçoit deux affluents, le Hougarou et le ruisseau de Lastètes qui doublent largement son débit. Les trompes employées pour la soufflerie consomment, en effet, beaucoup plus d’eau que les soufflets.
Le nouvel emplacement est au pied même du Bois des Forges, sur le territoire de Louvie-Soubiron qui appartient aux Incamps.
L’emplacement était « stratégique » : à peu près au milieu de la vallée entre la forge d’Asson et la mine de Baburet, à une lieue de l’une et de l’autre, il ne laissait guère de latitude à un éventuel concurrent qui aurait voulu s’installer sur la rive droite de l’Ouzom.
Enfin, les transports de minerais vers les deux forges d’Asson et de Nogarot étaient simplifiés, puisque les deux forges étaient désormais desservies par le même itinéraire.
La forge de Nogarot au XIXe siècle
[1] Probablement : Biescas, en vallée de Tena, prov. de Huesca, Espagne.
[2] Abbé Bonnecaze, « Variétés béarnaises. Précis des transports et informations faites sur l’assassinat et la mort du sieur de Bouyer, prêtre, abbé de Saubalade », Bulletin de la société ses sciences, arts et lettres de Pau, IIe série, tome 34, 1906. p. 34
4 janvier 2008 par Émile Pujolle