La route du fer dans les Pyrénées.
Un itinéraire culturel européen
Présentation de Dominique Fournier (8 mars 2008)
Je commencerai par une précision, je représente ici une association et non une université. Ce qui veut dire en reprenant des propos d’André Malraux que si l’université est là pour enseigner des vérités au sens de ce qui est vérifiable, nous, associations, nous sommes là, d’abord, pour faire aimer ce qu’on aime. Si on mélange les rôles on ira à l’échec.
Centre d’éducation au patrimoine « Ospitalea »
Après deux jours d’immersion totale dans cette superbe demeure d’Ospitalea au moment où elle abrite l’exposition « Les Maîtres du Métal » vous en savez autant que moi sur le fer obtenu par réduction directe, celui des boites de boisson ou celui que l’on trouve dans les turbines à gaz. Il faut quand même savoir que celle présentée à l’entrée de l’exposition développe une puissance équivalente à quinze moteurs d’automobiles courantes. Si on compare le prix au kilo de chaque objet, il est fort différent, la turbine coûte environ cent fois plus cher ! En revanche c’est du même ordre de grandeur que celui des chaussures de sport de compétition.
Mon propos concernera donc uniquement les sites de cette Route du Fer, des sites riches en patrimoine lié à la sidérurgie et à la transformation du fer où, il y a une mise en valeur de cette histoire riche en innovation et en solidarité. Une histoire qui peut être opposée à celle des hauts-fourneaux faite de compétitions et de conflits. C’est en tout cas une route de l’innovation.
La Route du Fer des Pyrénées, qu’est-ce que c’est ?
Ce qui caractérise le fer des Pyrénées, c’est d’abord son mode d’élaboration : la réduction directe, les gaz chauds qui lèchent le minerai pour le transformer en métal ! Sans passer par la fonte. Un procédé à taille humaine, élégant qui ne demande que des installations modestes comparées aux hauts-fourneaux. Cependant il demande un savoir-faire très élevé, un savoir-faire aujourd’hui disparu. On ne sait reproduire ni en qualité ni en quantité les produits du XIXe siècle. Les principes sont compris, mais le savoir faire n’a pas été transmis.
Ce procédé appliqué jusqu’à la fin du XIXe siècle a été intensivement appliqué par les forgeurs de l’Ariège en utilisant des trompes hydrauliques pour activer le feu alors que – les Basques utilisaient des soufflets ou barquines.
À partir de 1990, des études des deux côtés de la chaîne ont mis en lumière le rôle historique majeur de ces fargas, ferrerias, ferraries. En 1995, un premier colloque à Arthez d’Asson nous rassemblaient avec Xavier Llovera d’Andorre, Aurelio Gonzalez de Legazpi mais aussi, J.F.Belhoste, J.P.Mohen, C.Domergue. Depuis les contacts ont gardés la même chaleur et l’intérêt de fédérer nos efforts n’a fait que s’amplifier.
La route du fer dans les Pyrénées
En mai 2004 le Conseil de l’Europe attribuait une mention d’honneur à cette opération de conservation, d’échange et de développement culturel transfrontalier. Depuis 2004 de nombreux sites souhaitent rallier ce projet. Je ne présenterai ici que les sites pionniers de ce projet en commençant par le plus modeste au niveau de l’accueil touristique, à savoir :
· La Ferrarrie d’Arthez d’Asson – Région Aquitaine
C’est le site (Forge d’Asson) porté par notre association. Situé à une trentaine de kilomètres de Pau, il peut se visiter sur rendez-vous. Il illustre la phrase du Président Pompidou : « La France n’aime pas son industrie » . Cependant les mentalités évoluent, le regard de la population, des élus sur cette usine qui a eu un rôle clé dans le destin du Béarn change aussi.
Lors de l’inauguration de l’exposition « Les Maîtres du Métal », le député J. Lassalle soulignait l’intérêt de la mémoire industrielle. On découvre souvent trop tard que nos industries locales sont en fait essentielles à la qualité de vie de nos sociétés. Ce qui est un peu paradoxale quand on pense à l’environnement ; mais ce qui l’est plus c’est que nos industries locales sont souvent détenues par des Japonais ou des Allemands, des Anglais des Espagnols dont la priorité est le profit avant le développement des Pyrénées Atlantiques. Ce n’est pas nouveau aux XVIe et XVIIIe siècles, des Allemands, des Suisses, des Espagnols ont été propriétaires d’industries métallurgiques locales. Cette ferrarie est un élément de l’histoire du développement économique du Béarn, le précurseur de l’activité industrielle actuelle.
· Les Forges de Pyrène – Région Midi – Pyrénées
Situées en Ariège au sud de Foix, c’est un grand site touristique qui, en plus de l’authentique martinet hydraulique qui sert pour des démonstrations, présentent d’exceptionnelles collections d’outils qui vont du charron au chirurgien. Un effort important est porté sur les animations avec le travail du métal au martinet, la mise en forme des clous, le travail de la corne, la distillation d’alcools. Un site qui présente magnifiquement les outils et leurs usages.
· La Farga Rossell – Andorre
La Farga Rossell, est située à la Massana. Cette forge catalane, a été reconstruite il y a dix ans pour évoquer une activité industrielle du XIXe siècle, la production du fer à partir du minerai de la mine voisine de Llort. Un travail de recherche historique important a été effectué pour obtenir une connaissance précise du fonctionnement et du rôle de cette unité de production dans l’évolution de l’Andorre.
Les présentations privilégient les aspects artistique et mystérieux de la production du fer en restant fidèle à l’histoire technique et sociale de la période de son fonctionnement de 1845 à 1876. C’est la rencontre de l’Histoire et de l’Art tant par les évocations de l’alchimie du fer que l’on découvre à la farga que le long du Sentier des Mineurs avec les œuvres d’artistes de renomée internationale réalisées spécialement pour ce sites. On y découvre des réalisations de : S. Sato, G. Rougemont, M.Brusse, A. Carneiro, J. Casamajor, R. Kimoun. Exceptionnel et magnifique.
· La Farga Palau – Ripoll – Catalogne
La Farga Palau est la dernière forge hydraulique ayant fonctionné dans la région de Ripoll qui fut un des centres les plus fameux pour la production d’armes à feu à la fin du Moyen-Age. Cette histoire est évoquée dans un musée ethnographique voisin.
· Mines de Cercs. Catalogne
Il faut souligner que la Catalogne est riche d’un d’un réseau de 19 musées présentant les sciences et les techniques, en particulier celui de Cercs pour les mines de charbon. Eusebi Casanelles et ses collaborateurs sont les références pour la vulgarisation scientifique et technique avec de magnifiques présentations didactiques.
· Farga Mirandola – Legazpi – Euskadi
L’Euskadi présente tant en qualité qu’en quantité des éléments majeurs de la Route du Fer du Moyen-Age à nos jours. Cette région qui alimenta en fer l’Europe de l’Ouest au Moyen-Age a su se reconvertir a chaque grand bouleversement des industries métallurgiques. Aujourd’hui tout le monde pense à Bilbao et à sa reconversion exemplaire.
Mais l’Euskadi ce n’est pas que Bilbao et le Musée Guggenheim, c’est toute une dynamique. Portugalete, Pobal, Agorregi, Gallarta, Beasain/Igartza, Hemani/Chillida et encore beaucoup d’autres qui mettent à l’honneur « leur » histoire du fer.
Nous ne présenterons que deux sites :
- Legazpi où la Fondation Lenbur avec l’aide de fonds de reconversion européens a su avec les élus et la famille Etchevarria, propriétaires de sites et d’usines métallurgiques reconverties, mettre en valeur un territoire en présentant son passé et son présent. C’est un programme de grande ampleur en constante évolution en faisant appel aux meilleures moyens disponibles. Ce qu’on voit nulle part ailleurs, c’est chaque dimanche matin le fonctionnement de la Forge de Mirandaola avec le ballet des forgeurs pour régler et mettre en route le mail hydraulique. Une grande démonstration de talent collectif.
- Elgoïbar, c’est un musée de la machine outil qui est en fait une ex-croissance d’une école d’ingénieurs. Il est situé dans un bâtiment qui est une reconstitution d’un atelier de la fin du XlXé siècle. Il y a une quarantaine de machines-outils actionnées par des courroies. Un des premiers objectifs est de montrer aux élèves comme au public la continuité de l’innovation et le besoin d’adapter la machine à l’homme. Une leçon qui mérite d’être entendue, une surprenante réussite née d’une longue tradition et d’une volonté collective.
Le musée de la machine outil à Elgoîbar
Au travers de ces quelques sites de la Route du Fer des Pyrénées vous aurez compris tout l’intérêt de ce projet de développement culturel et touristique. Il est des plus ambitieux en voulant permettre une meilleure approche de sujets majeurs :
– le rapport de l’homme et de la machine
– le rapport de l’homme et son territoire
– la transmission des savoirs
– l’innovation et la finance
– les nuisances industrielles
– la mémoire des travailleurs, ouvriers, cadres, patrons, syndicalistes…
– et bien d’autres.
Une tâche qui concerne les régions du massif pyrénéen. Leurs universités, leurs institutions, leurs populations devront être associées sous des formes qui devraient être définies prochainement. Un itinéraire pour mettre en valeur l’histoire et les échanges techniques commerciaux et culturels dans leur unité et leurs diversités.
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samedi 8 mars 2008 par Dominique Fournier